Cilento : Le motif est-il moteur ?

Les motifs du paysage
Le paysage ne peut être ordinaire et tout lieu n’est pas dans la conscience collective considéré comme
un paysage. Pour qu’un lieu fasse paysage, il faut qu’il y ait reconnaissance d’une identité en quelque sorte
extra-ordinaire. Nous restons aujourd’hui encore sensible à des paysages quasi-antiques ( car révélés par la
peinture néo-classique), des paysages champêtres, des paysages romantiques, « énnoncés » par la peinture
de paysage depuis le 18ème sicècle. Le « peintre du dimanche » est avant tout un peintre des paysages.
Bien que l’art contemporain énnonce de nouveaux concepts, le commun s’attache aux simples peintures de
paysages avec plus d’émotion et de projection. Le peintre paysagiste s’attachait à une peinture d’après motif.
C’est-à-dire, un élément ou ensemble d’éléments d’un intérêt suffisamment fort pour qu’en émerge une
émulation représentative. Le peintre paysagiste motivé s’activait dans le sens d’une transcription.
Pour le Cilento et cette étude des paysages au sein du parc national (mai 2005, école d’architecture
de Vaux en Velin), j’ai proposé une interprétation sous le mode du motif à capter. L’image a une importance
toute particulière pour pouvoir juger de l’intérêt que nous portons à la construction géographique et humaine
qu’est devenu le Cilento, au fur et à mesure des siècles. La présentation se fait aujourd’hui par le biais de
la photographie. Les dossiers sont ainsi constitués de documents photographiques. Le parc est référencé,
inventorié sous un mode photographique.
Le motif
Or le motif est pour moi une image porteuse de sens, qu’il faut traduire par le dessin en tant que
geste et non pas seulement en tant que représentation. Le motif demande à être visité avant d’être vu. La
représentation photographique en se targuant d’être fidèle, a pourtant de très fortes limites conceptuelles.
La photographie en étant une preuve réaliste de ce qui est, tend à motiver une conservation à fortiori d’un
espace en deux dimensions. Or c’est l’envers du paysage que d’être figé. Le paysage est l’expression du
rapport entre culture et nature, entre l’homme et le monde. Ainsi le motif porte en lui, d’être l’émergence en
un temps donné d’un sens sous-jacent en évolution constante.
Le motif motive à peindre, mais le motif motive avant tout une compréhension. C’est une appréhension
gestuelle de type – je vois puis je retranscris, donc je tends vers le sens du lieu-.
J’ai décidé alors de dessiner sur un mode analogue différentes vues qui me motivaient au Cilento. Le
travail le plus substantiel est un ensemble de vues depuis Laurino, afin de qualifier le village dans son vis à
vu environnant.
Il s’agit de décoder à travers le « geste compréhensif » en quoi le paysage peut continuer à se poursuivre
tout en intégrant des infrastructures futures. Sans chercher absolument le camouflage, le paysage peut se
renouveler selon des motifs en apparence contemporains et qui n’en demeure pas moins dans la continuité
de ses origines.
Les dessins
le temps , les techniques…
Le dessin se fait dans un premier temps par une correspondance avec les tons colorés -je me sers
de craies grasses (ou pastels à l’huile) pour me confronter à la composition d’ensemble. Les tâches sont
diffuses, parfois concentrées, mélangées puis parsemées ; l’ensemble s’y retrouve presque mais le particulier
reste abstrait ; cela reste encore flou ( Sfumatos de Vinci). Dans un deuxième temps, je me sers d’un crayon
HB incisif (critérium 0,7) pour appuyer les masses, et les faire s’entrecouper les unes aux autres afin de
constituer la trame constructive, le fil sur lequel tout se tend. Un temps imparti de 20minutes me permet
de ne pas m’appesantir sur des effets, sur des lumières anecdotiques. Nous en resterons à une impression
diffuse accentuée par un filet de graphite.
Le rythme
Lorsque l’on cherche le motif, ne cherche-t-on pas un certain rythme propre au territoire analysé ? Une suite musicale ou structurelle garante de son caractère spatial et qui peut évoluer en intégrant un certain nombre d’éléments mais aussi en en perdant d’autres ? Ou au contraire, est-ce une pièce qui ne supporte en rien la modification, et serait objet immuable ? En ce sens ne pourrait-on pas dire que le motif serait caractérisé par une mesure déterminée ?

à suivre…

Hugo RECEVEUR, Italie, Parc National du Cilento,Mai 2005