Cohabiter et biodiversité (Clermont au loin)

Plébiscité comme un recours à la variété, le concept de biodiversité autrefois attaché aux espaces naturels se trouve être un véritable moteur de réflexion urbanistique. L’histoire urbaine montre que nombre de stratégies ont été développées en ce sens. Or, la ville se sédimente, des parties se substi- tuent à d’autres, pendant que certaines fusionnent, dessinant ainsi le lit d’échanges complexes.

Mais la ville ne peut se résumer à un patchwork, elle serait plutôt comparable à un écosystème humain.

L’hyperspécialisation des zones, impulsée par des enjeux économiques, a naturellement produit des quartiers à pensée unique, où certains couples de fonctions comme habiter/travailler ou exploiter/se divertir ne peuvent exister… Nous habitons dans un lotissement, nous travaillons dans la zone d’activités, nous nous approvisionnons à la carrière et nous nous promenons au parc en famille. Promouvoir la mixité urbaine alimente l’ensemble des débats actuels, cautionnés par les nombreux cas critiques dont les communes héritent puis exposent sous forme de marchés publics, au rythme de la décentralisation.

Se soucier de la vitalité d’un centre-bourg ou reconnaître les atouts d’un parc périurbain ne sont pas des retours vers le passé, mais constituent au contraire les pièces d’un futur soutenable. Les modèles passés n’étaient pas dénués de bon sens. La reconnaissance de leurs qualités, et surtout les plus contemporaines, ne peut se faire sans avoir éprouvé l’expérience de leurs antinomies : le quartier d’habitat se paupérise, la gravière surexploitée est interdite.

La spécialisation a des avantages : la précision, l’efficacité, la rapidité, la fonctionnalité. Mais pour tout système vivant, lorsque la spécialisation devient le mode dominant, elle implique une diminu- tion d’autonomie et une inhibition des potentialités, c’est-à-dire la disparition de cette capacité à se renouveler. Et si les zones reposent sur des organisations monofonctionnelles et efficaces de la ville moderne, elles font alors de cette ville le siège d’une société qui assujettit les individualités. C’est la despécialisation de certains milieux qui permet d’envisager un renouvellement des organisations, elle est une qualité individuelle proprement bénéfique à la communauté. Lorsque la majorité des commerces dans les villages a disparu, ceux qui ont survécu ont réuni plusieurs services (dépôt de pain, colis, presse, produits artisanaux, etc.).

Cette polyvalence, que proposaient simplement les campagnes par leur adéquation au territoire, semble renaître à travers les parcs périurbains où courir et pique-niquer peuvent se faire entre deux parcelles de maraîchage, tout en préservant l’intégrité d’une ripisylve toute proche. Les lieux s’en- tremêlent, la connaissance de chacun s’améliore et tient compte des erreurs du passé.

Le fonctionnalisme n’est plus, et le paysage renaît d’un équilibre respecté entre commodité et aménité.

 

 

édité sous : 

Clermont au loin

Chronique périurbaine

Textes : Pierre et Rémi Janin, Alexis Pernet et Hugo Receveur
Photographies : Christophe Guez

Ouvrage édité par Fûdo Éditions, 2011

Pilotage et commande : Parc naturel régional Livradois-Forez, Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne, le Grand Clermont (2011) 

coordination : Sabrina Gilet